UNE FENÊTRE CADRÉE SUR LE PAYSAGE

Willem ELIAS

Cat. Elisabeth Franck Gallery. Knokke-Heist 1984(adapté en français par Eddy Devolder).

 

Dans l'art herboriste que développe Marcase, c'est l'abstraction qui ordonne la nature et l'ordonne au sens ou il accumule d'abord. au sein d'une même surface, des signes répétitifs qu'il développe ensuite et presque en série dans une succession de travaux.

Répétition au second degré. s'il en est.

Ce sont des relations de tension, il ne les maitrisera pas partant de la règle impressioniste: "je peins les choses telles que je les vois ou en arguant de l'approche expressioniste d'un "je peins les choses comme je les ressens", il posera plutôt un principe conceptuel affirmant: "Je peins les choses telles que je les sais" et le savoir repose sur la mise en ordre et la classification,

Ainsi Marcase travaille-t-il de manière fort cérébrale. Longtemps, les dominantes demeureront noires, à l'image d'un embrouillamini ordonnancé, accentué par les traces au pinceau d'un calligraphe travaillant à grands traits.

Sous les travaux, un palimpseste de couches colorées, graduées selon une échelle de valeurs apparaissent progressivement comme un signe du devenir de la nature, le témoignage de son coloris infini. Cette échelle colorée (cette couleur fondamentale pour l'apparenter à la peinture fondamentale) ne renvoie pas à une vision impressionniste ou expressionniste, -émotionnelle et subjective -, elle en appelle à l'immatériel, à l'infini du monde mental. Et je pense ici au miroitement contre nature de ses bleus métalliques : c'est seulement à travers eux que la structure de la nature devient visible.

Il serait cependant erronné de ne pas prêter attention à l'élément dynamique, lequel se trouve déchainé par le seul jeu des taches colorées. C'est une provocation à la vie. qui se trouve ici confrontée à une structure ordonnée, et par le seul fait d'une accélération à peine perceptible du tracé des lignes, le n'est pourtant qu'au prise d'une attention soutenue qu'un mouvement de rotation vient supplanter la dominante statique.

Dans ces travaux les plus récents. l'élément statique a disparu et le dynamique a pris le relais. Ses derniers travaux sont devenus des réseaux de tensions circulaires, évoquant des compositions presque chorégraphiques, qui ressemblent aux traces mnémoniques d'un exubérant ballet de couleurs.

 

Marcase: Lente 1984 - acrylic on canvas - 120cm x 100cm

Marcase: Winter 1984 - acrylic on canvas - 120cm x 100cm

 

 

1977: Marcase (cat. ART MADE IN BELGIUM)

 

L'art ne dépend pas d'une attitude traditionnelle ou non face à l'esthétique mais d'une problématique personnelle qui se trouve ou non posée et résolue dans uneœuvre d'art.

Par la recherche d'une solution personnelle aux problèmes plastiques, l'artiste prend sur lui le risque, par ailleurs humain, de commettre des erreurs. Ces erreurs précisément dénoncent l'honnêteté de cette recherche, laquelle conduit à un art profondément vécu dans la vie.

L'œuvre parfaite n'est pas le garant d'un art véritable mais bien la recherche plastique de nouveaux espaces, de nouveaux élargissements de l'espace.

Un artiste se livre tout d'abord à une recherche sur lui-même, jusqu'a trouver ses propres qualités personnelles et artistiques. C'est la seule façon d'assurer une survie artistique.

Ma dernière œuvre est basée sur des contradictions de mon milieu direct: la nature face à l'apport linéaire humain.

Friedrich Nietzche parle d'un art Apollinien et Dionysiaque, avec lequeljeveut expliquer deux sphères de vie, qui sont considérées comme des contradictions. Apollon est le dieu de la clarté, la raison, Dionysos; de la joie de vivre, la spontanéité. Nietzche a développé ces contradictions comme mesure vis à vis de la passion, la loi vis à vis de la liberté, le raisonnement vis à vis du sentiment, le cosmos contre le chaos, le statique vis à vis de la dynamique, etc.

Dans ce sens je suis confronté avec mon environnement: des poteaux téléphoniques droits vis à vis de structures d'arbres quelconques, de délimitations droites (de routes, pays, etc…) vis à vis de la structure naturelle du matériau (sable, pelouse, etc…).

Il n'entre pas dans mes intentions que les éléments différents dans monœuvre soient reconnaissables comme choses, mais qu'ils se manifestent comme signes. Je ne peins pas des poteaux blancs avec un arbuste vert, mais un blanc statique face à un vert dynamique. Autrement dit: dans monœuvre, je confronte l'apollinien avec le dionysiaque et j'essaie d'apporter une tension entre ces deux sphères de vie.

Marcase: study - 1977 

 



 

 

 

LIGNES ET MARCASE

 

Paul Van Dessel

poète

 

Une ligne nʼest pas lʼ autre.

Toutes les lignes sont différentes,
sensibles au changement,
tout comme la vie.

 

Elles trahissent leur créateur,

assertif ou timide,
conceptuel ou tangible, ...

 

Il y en a peu qui les reconnaissent

immédiatement,
peu qui les suivent
de près.

 

Marcase en fait partie,

il les marque avec intuition cèrèbrale
sur des supports sensibles
que la toile, le papier, le plâtre, ...

 

Ses lignes exposent sa vie

mais aussi la notre.
Parfois elles commencent juste quelque part,
parfois elles sont dissolues,
parfois elles marchent à lʼ infini,
parfois pas plus loin que ça ...

 

Une ligne ne serait pas une ligne

sʼ il nʼ y avait pas dʼ espace,
elle nʼ existerait quʼ en elle-même.

 

Sur une surface stratifiée,

dans une limite illimitée,

ses lignes deviennent significatives.

 

Si elles sont ludiques,

esthétiques ou confuses,
retenues, strictes ou explorantes,
pointues ou vagues,
elles posent toujours des questions
ou donnent des réponses.

 

Parfois, elles vont à la recherche d'eux-mêmes.

Elles se lancent dans une danse angulaire
ou gracieuse
pour sʼ étendre dans le noir.
Excentriques ou accommodantes,
contrôlées ou à l'étroit,
elles veulent rencontrer
d'autres lignes, des différentes formes,
ou entrer dans le dialogue, dissoudre eux-même,
ignorer lʼ inévitable, aller à la guerre ...

 

Dans leur présence évidente

elles semblent ne venir nulle part
et ne pas aller nulle part
pour exister dans un monde mystérieux.
De temps en temps ils s'arrêtent soudainement,
il y a perturbation et vous êtes surpris,
vous êtes rejeté sur vous-même,
votre concept statique adouci.

 

Parfois, ils se tiennent dans la zone intermédiaire

pour se référer en hésitation à l'espace
et ... à eux-mêmes,
ou ... pour hiérarchiquement,
parfois hiératiquement, diviser lʼ espace
et ... eux-mêmes.
Mais toujours elles encouragent à méditer.

 

Parce que c'est ce que font les lignes

et ce que fait Marcase.
Ils nous font réfléchir sur le monde
et notre relation avec eux ...

                                                                                                                                    

© Paul Van Dessel, Antwerpen april 2018.                                


                                                                                                                                                                                  

  Marcase - Parvi - 2015 - acrylic on canvas - 50 x 60 cmMarcase - Lakin - 2015 - acrylic on canvas - 70 x 90 cmMarcase - Sakino - 2015 - acrylic on canvas - 120 x 150 cm

 

 

SELON LA DISPONIBILITE DU CORPS ET DE L'AME

Aldo Guillaume Turin

Cat. Marcase, Moving Space

Bruxelles, le 9VI.1989

 

"Nous savons en effet que le point de vue se trouve à l'endroit de celui qui regarde la scène"

Léonard de Vinci

L'époque de l'art que nous vivons et dont nous sommes les flagrants témoins à cause de la diminution en nombre des clefs qui en ouvraient l'accès sans que 'on exigeât de passeport, cet art qui a brigué encore récemment le titre de cataclysme et suscité diverses aventures intellectuelles nous étonne, nous provoque, nous in-dispose, mais ne nous émeut qu'en surface. De ce que nous croyons qu'il est ou qu'il sera parle détail, aussitôt acquise la vitesse à prendre afin de ne pas rester injustement muet devant lui, il se dégage l'idée d'un jeu d'éclipses et de réapparitions où les 'artistes de notre temps' se proclament des querelleurs, avec toutefois une nuance delphique laissant pressentir que l'élite à son tour s'est prise d'un goût pour le zapping.

 

L'émotion spirituelle sur quoi insistait Kandinsky, n'en parlons plus: les galeries et les foires qui réunissent les classes et les genres qu'elles portent désormais en avant isolent, quoiqu'elles en aient, des sortes de conquistadors un peu fous, 'réfractaires aux dogmes de l'avant-garde et qui à petite amplitude font bon gré mal gré la tentative de produire du neuf avec du vieux et répètent , en les dé-chargeant comme une pile soumise à une surpression inouïe, les signes d'un langage qui ailleurs, au sein d'autres civilisations, ou chez nous, mais par le passé, surent retenir l'évidence, léguer une certitude. A présent, des voix s'interrogent: .Où est le vœu de rencontre avec le réel? - Où, l'adhésion de la part des individus au devenir et à l'émergence d'un imprévu libre et profond, quelque chose comme une flambée soudain inoubliable, soudain irréductible aux leurres qui témoignent d'une vie engourdie, tout au moins aliénée? On se manifeste, on expose, on décroche un éloge de marque comme n'importe quelle star médiatique, et voici que l'on se prend à croire au changement de toutes les proportions, alors que vole encore et toujours la fameuse 'tarte à la crème' de la modernité consommatrice: le détour par lequel on exige de soi aujourd'hui de sortir de la masse aboutit, et c'est diraisje bien normal, à une désertification de cet imaginaire qui fut un partage des plus souverains et que notre siècle, en favorisant les manœuvres réussies d 'avance, a conduit vers une perpétuité inauthentique de substrat déshydraté et ensaché.

 

Ce qui s'impose à la plume: le souci de s'enquérir d'une origine plus robuste que la platitude culturelle ambiante où vient mourir à ce qu'il paraît avec bruit je rythme de l'heure et de la saison, -celui d'inventer une mesure et un espoir assez amples pour ne plus retenir les idéologies détachant le nœud des causes de celui de la conscience: bref, le souci de satisfaire la réflexion qui d'objet symbole à objet symbole a su longtemps manifester le besoin de cette fête qui resserre les liens électifs entre le corps d'une part et l'âme d'autre part. Simplement, en somme, la plénitude de l'être - oui, par le fait d'une langue débarassée une fois pour toutes du dualisme qui sans doute fut sa vocation en même temps qu'une épreuve malheureuse et une sorte de primauté perverse émise à l'ordre de l'artifice et de la surenchère, obtenue dès l'instant ou la nature se trouva comme on sait bannie de la densité ontologique.

 

Marcase, bien qu'il s'impose de faire siennes en esprit les transes de la peinture dorénavant renoncée par le vertige 1), veille à obtenir dès le premier geste qu'il laisse naître et fixe sur chacune de ses toiles une vraie qualité de médiation -, dans l'actuelle mise en train des choses sous la loi du bas commerce et de la raison totalitaire, cela apparaît comme un acte ressenti plutôt que comme le dosage d'une figure réglée. Autrement dit, l'ensemble de son œuvre, étayé à la base tout autant qu'au sommet, révèle qu'il n'a de cesse de transcrire un projet repérable, dûment assumé au niveau des moyens qui, en unissant tableau x et graphismes dans le but de réaffirmer une ligne générale, une cohérence, décrivent une attention au changement, à la réfraction volontaire, à l'écart minime, à l'analyse et à la tonalité qui enveloppe le travail du peintre dont la position (ainsi que la nôtre)implique le déjà formulé. Alors que se marque de plus en plus, au sein des cercles grimaçants de l'âge nouveau, le plaisir de s'infatuer d'une creuse rhétorique, Marcase ouvre les yeux, maïs ce sont des yeux avisés du royaume de l'essence et peut-être même, au plus serré d'une réhabilitation de la plénitude, des yeux cherchant une dernière rigueur, une rigueur initiatique. Tels des chapitres fragmentés, aussi décisifs en deçà ou au-delà de la matière soluble que leur néant ou leur charge accumule et tout ensemble transmue, les surfaces peintes aimantent un effet de surprise à l'intérieur de ce qui par elles se définit comme un réseau, un modèle, canevas et trame.

 

Ce fonctionnement qui veut que soit accepté le hasard et que seule pourtant une lecture de reconnaissance juge à sa valeur c'est aussi bien pour le peintre une dimension du monde: de ce qu'il appelle, de ce qu'il dénonce, de ce qu'il tonde de part en part grâce à la fréquence, au mouvement, il faut ce me semble surtout catalyser, admirer en silence, large et précis maïs qui se dérobe, le pouvoir de choisir le segment distinctif et ensuit d'effacer celui-ci et indéfiniment de le réduire à la plus pauvre, la plus sourde de ses articulations. Ecriture liée-, et le nom de peinture répétitive n'est pas fatalement ce que devraient suggérer le bâti des biffures sur fond noir que l'on a découvertes il y a de cela très peu, ni les traces médusantes qui, pareilles à des anatopies et recomposées sous l'aspect de collages, versent dans certains fusains de Marcase une approche physique du réel, - un réel je le souligne tout à fait départicularisé, quasi confondu avec un vide générateur: Car c'est de la poursuite de la tâche qui s'exorbite, s'irradie, se déboîte, de "action qui s'épuise et que compense une action inédite que vient à l'observateur le sentiment qu'il assiste à une pratique ininterrompue et variant ses climats pour que la démarche de I' écriture finisse par être ce qu'elle est: tantôt affermie, souvent tempérée, elle est, elle incite à être une mise en résonance qui se donne pour le sujet, 'e principe de l'œuvre, - itinéraire toujours semblable et différent, 'te même et 'autre', progression interdite de tout fléchage préalable.

 

Sensible au temps et rendue rayonnante par l'aveu de ses mécanismes comme par l'intensité sur elle d'un trajet mental, la démarche de Marcase réside dans cette alternance du jaillissement et de la critique de son expression. Et, dans cet accord entre des inconciliables qui pourrait signifier un refus du tout, de la structure, du néo-platonisme, et qui achève de nous dire, moyennant une occultation de l'illusoire, et donc de 'image, l'angoisse devant l'esquive ultime, la soit d'une issue jetée assez loin pour ouvrir l'amorce du retour, comme une réminiscence, un moule d'air qui se creuserait en fait à partir de la notion de limite entre un avant et un après, il y a-à tous égards- un flux d'énergie et une force d'ébranlement. Après quoi cette démarche qui se contemple elle-même peut dérouler ses ressorts et ses opérations, nullement soumise au labeur patient sur les formes, nous y percevons l'instinct d'une transcendance d'une sorte que j'appellerais mobile sinon motrice. C'est le passage de la vie réelle à la vie rêvée, irréelle, qui intéresse Marcase, c'est l'éveil à un élément de comparaison situé dans un lieu qui est l'expérience du monde, lequel est mémoire et création, chemin ou fao vers des phénomènes indissociables d'une adhérence absolue, charnelle, divine, à la moindre poussée, la moindre résurgence, à l'objet que l'être conduit à s'établir comme fini à l'aide d'une beauté désirée et d'un affleurement tout de suite suspendu.

 

Justement, les dernières toiles qu'il nous montre réaniment cette tutte: seules valent encore une fois les conditions uniques qui, à travers les signes, permettent de désapprendre à la manière des atomes crochus qu'évoquait Lucrèce dans son De natura rerum l'excès d'habitude au profit d'un vide intérieur-, seule mérite d'être écoutée la capacité d'évanouissement qui réunifie comme elle dérègle les apparences et les sensations. Voici d'autres assemblages, et voici que se répondent et ne se répondent plus un langage disons pétrifié et un contre emploi littéral de la substance peinte: la grappe d'une espèce de jambage sombre et lourd est opposée à une masse nue, court-circuitée par le périmètre d'une aire sui generis. Marcase semble dévoiler ici le parti sur lequel est construit son travail. Il affirme que c'est un peu le rôle de son support d'être le piège, la bouche encorcelante, propice à épaissir les unes par les autres les significations dans un cache-cache éperdu. A l'instar de Stevenson, qui croyait le lecteur plus intelligent que lui, le peintre n'a cru sous le rapport d'une parole personnelle qu'aux attendus mis à sa disposition; il a cru à un regardeur immaculé face à un univers répugnant à la théorie et au compromis avec la faire d'empoigne, l'odieux 'plancher des vaches', la manipulation préjudicielle mise à l'honneur aujourd'hui.

 

1) de ce processus auquel nous assistons Edgar Wind à donné en 1963-déja!-un remarquable essai de lecture. 

 

Marcase: Alles of niets 1989 - acrylic on canvas - 50cm x 160cm

Marcae: Tot stilte gegroeid 1989 - acrylic on canvas - 100cm x 120cmMarcase: Tweevoudige interpretatie 1983-88 -  acrylic on canvas - 120cm x 200cm - diptych

 

 

 

 

MARCASE

 

 

W. VAN DEN BUSSCHE

Conservateur des Musées provinciaux des Beaux-Arts de Flandre Occidentale.

 

Cat. ICC Anvers, avril 1983

traduit du néerlandais par Marian Verstraeten.

 

Vers le milieu des années soixante-dix, MARCASE prit résolument ses distances d'avec la technique des couleurs spécifique à Roger Raveel: à ce coloris véhément, il opposerait désormais les non-couleurs que sont le noir et le blanc. II abandonna tout à fait les techniques picturales, optant quant à lui pour celle de la lithographie. De la nature comme source d'inspiration, il distillait désormais un nombre restreint de motifs, tels l'arbre avec sa cime de verdure, pour les introduire au sein de la composition sur un mode répétitif. La mobilité particulière qu'ainsi il visait, était obtenue à force de reproductions lithographiques de cet unique motif de base, ordonnées en juxtapositions et superpositions répétées, et aboutissant à une rythmique systématisée.

Le recours à ce procédé qui consiste à utiliser une seule et même litho en tant que modèle déterminé, apparentait quelque peu MARCASE - et lui seul parmi les artistes de ce pays - à cette peinture que l'on désigne du nom de patterning-painting. Assez rapidement il allait pourtant modifier la sensibilité de l'image globale, en surimposant aux assemblages de lithos collées un ensemble de nuances peintes, quoiqu'à l'encre et toujours sans couleurs. Les tonalités ainsi obtenues contribuaient à doter l'œuvre d'une luminosité plus intense. Ce jeu de lumières avait par ailleurs tendance à se focaliser au centre, ce qui s'accompagnait d'un accroissement de la spatialité et, en corrolaire, d'une certaine transparence acquise par l'ensemble. Les feuilles collées des lithos fusionnaient en une totalité unique, malgré la persistance d'un schéma géométrique étayant les œuvres.

MARCASE fut amené à renforcer cet aspect géométrique, dans certaines œuvres à caractère dès lors plus abstrait et construit. Dans celles-ci, le motif en tant que tel se trouve relégué à l'arrière-plan et n'est identifiable que dans le remplissage des structures géométriques. Seules les modulations de lumière parviennent à percer la sévère construction. Comme ces modulations de lumière conservaient une importance prépondérante, MARCASE allait faire appel à d'autres moyens pour atteindre à la mobilité et à la transparence nées d'elles. Abandonnant les parties répétitives surpeintes, il s'est alors. mis à introduire des variations du motif opérées au moyen de la technique lithographique elle-même: il se servait de caches ou au contraire de compléments pendant le processus de l'impression et obtenait ainsi des épreuves variables. La répétitivité se maintenait, en ce sens que la litho unique conservait son rôle, maïs il s'instaurait un processus orienté, menant à un terme en fin de composition. Dans la suite de lithos juxtaposées et superpo- sées, l'œil pouvait maintenant retracer le parcours accompli par un motif évoluant vers davantage de sobriété et d'abstraction. Ces travaux marquaient un tournant, dans le passage à une technique maïs également à une palette nouvelles, dicté par les conséquences extrêmes qui avaient été atteintes. Jusque là, les couleurs s'étaient surtout signalées par une totale absence; seuls le noir et le blanc, ou tout au plus quelque dérivé de noir, semblaient intervenir. Depuis, MARCASE a introduit la couleur dans son travail. De point de vue du contenu, la motivation n'a guère varié, même si l'aspect répétitif cède le pas devant une démarche sérielle usant d'images identiquement construites. Aussi les œuvres récentes exigent-elles d'être vues dans un contexte de série. L'expérience de la nature constitue toujours le thème central, si bi en qu'aucun changement ne semble avoir affecté le contenu. Qui plus est, les couleurs sont elles-mêmes déduites de ce thème, car les variations les ponctuant s'originent dans les changements de teintes qui accompagnent la variation des saisons. La litho est remplacée par des techniques picturales révélatrices, dans l'investigation des moyens (touche picturale et coup de pinceau, frottis et raclage), de la quête d'une dimension nouvelle. Sur un fond peint au pistolet, se meuvent des impressions de la nature tout empreintes d'atmosphère. La sérialité désormais s'obtient du fait de la répétition d'un même schéma compositionnel, avec des variations de lumière et de couleurs uniquement. L'écriture, tout en se maintenant identique, se charge à chaque fois d'une dynamique autre, toujours enracinée dans le geste accompli, subordonné quant à lui à l'atmosphère recherchée.

L'on pourrait avancer que ces œuvres relèvent d'un nouvel impressionnisme, ou les motifs (la représentation) sont réduits à un degré presque zéro, au seul bénéfice de l'impression (le souvenir).

En ces temps ou l'on semble avant tout rechercher une brutale expressivité - témoin la «Heftige Malerei» - l'œuvre de MARCASE s'offre comme une trève silencieuse ou voguer au gré du rêve, sans hallucinations.

  Marcase: Tekening serie ICC 1 1982 - Graphite and ink on paper - 55cm x 36cm Marcase: Tekening serie ICC 2 1982 - graphite and ink on paper - 55cm x 36cmMarcase: Tekening serie ICC 15 1983 - graphite and ink on paper - 55cm x 36cm